COSMOGONIE INTIME Poems

“I like the fact that Yves Peyré, in his poems, uses short lines, short stanzas, which cut off discourse, but help—by incessantly returning—fill the spirit’s need to seek truth.”
—Yves Bonnefoy Jour de lettres (numéro 20, juin-septembre 1997)

French poet Yves Peyré has composed five poems, a sequence that carries the poet himself and his generation through time and space, touching base regularly to evoke a familiar name, a place, a far-gone era. These poems are at once intimate and universal, offering readers insight, revelation and passage on a poetic journey that illuminates our common ground.

In the first poem, “The Law of Passage,” barques, horses and lost whales launch the voyage and set the scene for discovery. In “Distant Humming in Space,” high altitude favors distant vision and penetrating insight. “Still Life” returns to earthly scenes, vignettes, and mortal pageants. “Chronicle of the Future” offers glimpses of eternity, the poet now equal to the task of attaining viable abstraction. “Outreach in Time” turns inward; having ascertained a heritage, we precariously reach an equilibrium.

English | Français

THE LAW OF PASSAGE

For the cadence, an oarsmen’s sky,
I see
cristalline waves of wind, a crystalline plain
floats
in the blue, it passes out of sight,
the air
becomes word and windmills
turn
endlessly, pleasure-tuned to my memory.

It’s a time for barques and horses,
lost whales
founding the reach of open seas,
I don’t intend
to minimize, I stress the sense
of loss
and appearance, suddenly a pause,
as for a flower
slowly expiring in a sob
of beauty,
strikes the hour’s truth, with a slip of the tongue
I missed
several beats in the measure,
I founder
in silence, I hear murmurs
and cries.

Whole masses of space reel about, the storehouse
of being
embraces the bounty of a new life’s breath,
I slowly move
chessmen on the game board
of dreams,
in Africa, a marriage, in Greece
or in Sicily,
the permanence of a stony wind
buffets my ears,
everywhere, cereals in tombs and a rain
of seeds
on heads disposed to laughter.

I go towards things becoming,
an octopus
persistent has been pulled from the sea and the fish persist
intact
within, the ammonite’s spiral
denotes certainty
of time, its trembling and its peace,
in the meadows,
animals are born already walking.

A look, participation, fatigue,
just the flash
of youth, the burning ember of health
which wakens,
silence and shadows which grow,
music
amidst gold, a regret for leaves,
burned,
whose abolition scents the air,
I know
that my hand must snatch the fragility
and build
consistency deep inside this dizziness.

One age precedes another, they merge
bit by bit,
formerly, there were arrows, hunted beasts
and hunched men,
something shady remains in their stare,
vision
alone surpasses risks,
it dominates
fates and orders, ferns
and brambles,
it is the light shifting with the sky,
girdling
what is real and infinite in thought.

I haven’t the best perception
of that rising
stem, myself, I remark
in my chest
accelerations, surges, I rise up
very high, I am drawn by the jaws
of the deep,
fish and great birds are on the hunt,
so many voyages
over my waters as in my sky!

What is real exceeds all measure,
there is no
outcry, the cortege quivers in light,
candles
also quickly shift, the darkness
recedes,
what remains is blindness,
I calmly gaze
at the light absorbing me,
I go forward
and back in the splendor of golden planes,
I advance
towards icons which disappear
one by one,
I am absorbed by ensuing absence,
all is plenitude
and all falls back into the tumult.

I see lengthen or shorten, whichever,
the taut cord
of being, splendor is permanent,
all things diverse
respond to expectation, I step forward, on one foot
or the other,
pedestal wavering nonetheless,
I am
the passage, the season of death
and rebirth.

If everything fades, everything blazes,
uncertainty
is my only posture, I glean
what comes clear from the heart
and what is unspoken,
I kindle equally
images and worlds, illusion
and thundering truth

.

LA LOI DU PASSAGE

La cadence, c’est le ciel des rameurs,
je vois
les vagues du vent, une plaine
flotte
dans le bleu, elle passe au large du regard,
l’air
devient parole et des moulins
tournent
sans fin au gré de ma mémoire.

C’est un temps de barque et de chevaux,
les baleines
perdues fondent le large qui m’échappe,
je ne cherche pas
à minimiser, j’accentue le sentiment
de perte
et de venue, soudain la coupe,
comme pour une fleur
qui lentement expire dans un sanglot
de beauté,
assène la vérité de l’heure, ma langue
a fourché,
elle a raté plusieurs degrés sur l’échelle,
je sombre
dans le silence, j’entends les murmures
et les cris.

Des espaces entiers titubent, le grenier
de l’être
s’ouvre à la largesse d’un souffle de revie,
je déplace
les pièces avec lenteur sur l’échiquier
du songe,
en Afrique, un mariage, en Grèce
ou en Sicile,
la permanence d’un vent de pierre
battant l’oreille,
partout, des céréales dans les tombes et la pluie
des graines
sur les têtes qui s’offrent au rire.

Je vais vers ce qui devient,
le poulpe
a été retiré de la mer et les poissons
intacts
au-dedans, la spirale de l’ammonite
est la certitude
du temps, son tremblement et sa paix,
dans les prairies,
des animaux naissent en marchant.

Regard, participation, fatigue,
rien que l’éclair
de la jeunesse, le brûlant tison de santé
qui réveille,
le silence et les ombres qui grandissent,
une musique
parmi l’or, le regret des feuilles
brûlées
dont l’abolition parfume l’air,
je sais
que ma main doit happer la fragilité
et ériger
la consistance au cœur du vertige.

Un temps précède l’autre, ils se confondent
peu à peu,
jadis, il y eut des flèches, des bêtes traquées
et des hommes courbes,
subsiste quelque chose de louche dans le regard,
la vision
seule va très au-delà des aléas,
elle domine
les destins et les ordres, les fougères
et les ronces,
elle est la lumière qui vacille avec le ciel,
ceinturant
le réel et l’infini de la pensée.

Je n’ai pas la meilleure perception
de cette montée
en tige que je suis, je remarque
dans ma poitrine
les accélérations et les à-coups, je m’élève
très haut, je suis attiré par la bouche
des profondeurs,
des poissons et de grands oiseaux sont en quête,
que de voyages
dans mes eaux comme dans mon ciel!

Le réel outrepasse la mesure,
il n’y a pas
de plainte, le cortège tremble dans la lumière,
les bougies
elles aussi virevoltent, le noir
recule,
ce qui demeure est l’aveuglement,
je fixe
calmement la lumière qui me comprend,
j’avance
et recule parmi l’éclat des surfaces d’or,
je me porte
au-devant des icônes qui s’effacent
à mesure,
je suis aspiré par l’absence qui s’établit,
tout est plénitude
et tout repart dans le tumulte.

Je vois s’accroître ou se raccourcir, selon,
la corde
tendue de l’être, l’éclat est permanent,
le divers
répond à l’attente, je passe d’un pied
à l’autre,
le socle n’en est pas moins vacillant,
je suis
le passage, la saison de la mort
et celle de la revie

Si tout s’éteint, tout flamboie,
l’incertitude
est ma seule posture, je ramasse
le clair
du cœur et le non-dit, j’accentue
à l’égal
les images et les mondes, l’illusion
et le vrai qui tonne.

 

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